L’intelligence artificielle offre des solutions puissantes pour réduire l’empreinte écologique des laboratoires de chimie, notamment en optimisant les processus expérimentaux et industriels. Grâce notamment à l’analyse des données, l’IA va être capable d’identifier les conditions réactionnelles optimales pour un processus en prenant en compte les ressources disponibles et/ou accessibles par l’entreprise ou le laboratoire. Elle peut également accompagner le passage à l’échelle pilote d’un processus en adaptant les variables (température, pression, temps de réaction, …) et en déterminant les ajustements à réaliser pour maintenir un rendement élevé et limiter la formation d’impuretés. L’IA peut également surveiller et monitorer les réactions en temps réel grâce à des capteurs intelligents et des systèmes de contrôle avancés pour éviter les consommations excessives d’énergie.
Les industriels sont également fréquemment confrontés à la problématique de la gestion des stocks de matières premières et notamment par rapport aux péremptions. L’IA représente ici aussi un atout puisqu’elle peut permettre une gestion automatisée des stocks via par exemple un système d’alerte qui peut indiquer qu’un lot va bientôt atteindre la limite de péremption. Cela peut donc éviter un gâchis dans l’utilisation des ressources et représenter une plus-value sur les plans économiques et écologiques.
II) L’apport de l’IA dans la conception de nouvelles molécules
La découverte de nouvelles molécules d’intérêt est généralement un processus long et couteux. En chimie médicinale par exemple, il est nécessaire de synthétiser des centaines voire des milliers de composés afin de les tester pour en trouver une qui sera active sur la cible identifiée. Cela entraine donc une consommation en ressources et en énergie très importante. L’intelligence artificielle permet une transformation de ce processus grâce à un travail de prédiction via des simulations notamment dans le cadre de la modélisation moléculaire. En effet, il est ainsi possible de vérifier les interactions entre des molécules mais également avec des protéines en particulier la possibilité de se lier ou non au site actif.
En s’appuyant sur une analyse de bases de données, il est également possible, à l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique de prédire une structure moléculaire la plus adéquate pour répondre à une problématique étudiée. Cela permet de gagner un temps considérable et de minimiser l'usage de produits chimiques dangereux ou polluants dans les phases expérimentales. Par exemple, la société britannique Exscientia a utilisé l’IA pour concevoir un candidat-médicament contre les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) en moins de 12 mois, ce qui aurait pris plusieurs années dans le cadre d’un processus classique tout en consommant énormément de ressources. Ces avancées permettent donc non seulement d’accélérer la découverte de médicaments, mais aussi d’optimiser l’utilisation des ressources en évitant la synthèse et le test de milliers de molécules inutiles.
Au-delà de l’aspect chimie médicinale, l’IA peut également intervenir dans d’autres secteurs de la chimie comme la synthèse de nouveaux catalyseurs plus efficaces ou le développement de polymères biodégradables utilisés dans la conception de matériaux plus durables.
III) La gestion et le traitement des déchets
En ce qui concerne la gestion, le traitement et la diminution des déchets générés par les laboratoires, une problématique qui nous tient particulièrement à cœur chez Rosachem, l’intelligence artificielle peut exercer une influence non négligeable. Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, l’IA permet de prédire la structure d’intérêt ou la voie de synthèse la plus adaptée à un processus en prenant en compte les quantités exactes de réactifs nécessaires à la réalisation de la manipulation. Cela évite ainsi le gaspillage de matières premières et la génération de déchets inutiles, le meilleur déchet étant encore celui qu’on ne produit pas.
L’IA peut également analyser la composition des déchets chimiques en temps réel, facilitant leur tri et leur traitement de manière plus efficace. Par exemple, certaines entreprises développent des systèmes basés sur l’IA capables d’identifier les solvants récupérables afin de les purifier et de les réutiliser, réduisant ainsi la consommation de nouvelles ressources. En parallèle, des start-ups développent des algorithmes capables d’identifier les meilleures stratégies de neutralisation des résidus toxiques avant leur rejet, réduisant ainsi leur impact environnemental ce qui peut présenter un intérêt pour les laboratoires générant ce type de déchets.
Enfin, l’IA peut également intervenir sur les aspects logistiques liés à la collecte des déchets chimiques notamment en optimisant le flux et l’acheminement vers les centres de traitement adaptés réduisant ainsi l’empreinte carbone liée au transport.
L’ensemble de ces innovations contribue donc à une gestion plus intelligente et durable des déchets de laboratoire, permettant aux industriels et aux chercheurs de limiter leur impact écologique sans affecter leur efficacité.
IV) L’impact environnemental de l’utilisation de l’IA
Nous avons vu dans les paragraphes précédents, que l’IA pouvait avoir un réel apport dans la recherche d’une chimie plus durable. Cependant, il est crucial de prendre en compte son propre impact environnemental. En effet, les algorithmes d’IA, en particulier ceux qui reposent sur des réseaux neuronaux profonds (deep learning), nécessitent des ressources de calcul considérables. Le processus d’entraînement des algorithmes d'IA, peut nécessiter des milliers de GPU (unités de traitement graphique) fonctionnant pendant des jours, voire des semaines, pour traiter des ensembles de données massifs. Par exemple, des modèles utilisés pour la simulation de molécules ou la prédiction de réactions chimiques peuvent être gourmands en ressources, ce qui contribue à l'augmentation de la consommation énergétique. Les centres de données qui hébergent ces calculs consomment donc énormément d'énergie, souvent d'origine fossile, et d’eau pour refroidir les serveurs ce qui peut générer une empreinte carbone non négligeable. Ces « data centers » sont néanmoins de plus en plus conscients de ces enjeux et s’efforcent de trouver des solutions en utilisant des sources d’énergie renouvelable mais cette transition n’est pas encore universelle.
Cet aspect nous montre donc qu’il faut rester vigilant à ce que les avantages engendrés par l’’utilisation de l’IA dans le domaine de la chimie soient supérieurs au coût environnemental. L’IA est une solution parmi d’autres et il reste donc essentiel que son usage en chimie soit accompagné de stratégies pour limiter cet impact, en favorisant l'efficacité énergétique mais également en intégrant des pratiques plus responsables pour une transition vers une chimie durable.
L’intelligence artificielle est sans aucun doute un levier puissant pour la transition vers une chimie plus durable. En optimisant les processus de production, en facilitant la conception de nouvelles molécules plus écologiques, en améliorant la gestion des ressources et des déchets, et en soutenant la transition énergétique, l’IA permettra au secteur chimique de devenir plus responsable et respectueux de l’environnement. Cependant, il est crucial de prendre en compte l'empreinte écologique de l’IA elle-même. L'optimisation de l'utilisation des ressources énergétiques et l’intégration d’énergies renouvelables dans les infrastructures d'IA sont des défis importants à surmonter pour que l'IA puisse réellement contribuer à une chimie plus verte sans aggraver les problèmes environnementaux existants. En combinant les avantages de l’IA avec une gestion responsable de son impact environnemental, le secteur chimique pourra se diriger vers un avenir plus durable et plus respectueux de la planète.